Éloge de la lenteur

Quand on va lentement, on sait être plus tendre

Être attentif à l'autre, l'écouter et l'entendre

Quand on va lentement, on sait se respecter

Se mettre en mouvement sans se mettre en défaut

Quand on va lentement, on sait se mesurer

Sentir le juste élan, et l'énergie qu'il faut

Quand on va lentement, on sait être présent

On goûte pleinement tout ce que l'on ressent

Quand on va lentement, on va toujours trop vite

Alors je ralentis, encore, et j'en profite.

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J'ai écris ce petit poème en pensant à un massage ou une relaxation coréenne, mais en le relisant, je me dis qu'il peut s'appliquer à beaucoup d'autres domaines : à nos rythmes de vie, à notre alimentation, à nos relations, à notre rapport au monde, au voyage, à la connaissance etc.

Pourquoi se faire un auto-massage est-il moins relaxant que de recevoir massage ?

Cette question contient implicitement une affirmation : l'auto-massage est moins relaxant que de recevoir le massage d'un tiers.

Je ne peux pas démontrer cette affirmation. Elle traduit simplement ce que je ressent. Et puis en parlant du massage autour de moi, je constate que c'est aussi ce que ressentent la plupart des personnes.

Je me pose souvent cette question : pourquoi ?

On pourrait penser, à priori, qu'on est jamais mieux servi que par sois-même. Qu'en étant donneur et receveur à la fois, on peut adapter parfaitement le massage au ressenti. Notre corps connaît ses besoins et peut se donner à lui-même exactement ce dont il a besoin pour se détendre. Pourtant dans la pratique, un auto-massage est perçu comme "fade" comparé à un massage reçu d'une autre personne.

Voici plusieurs pistes de réflexions qui me passent par la tête pour expliquer cela. Elles sont probablement toutes un peu vraies, en partie.

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Du point de vue mécanique ... c'est compliqué

On est obliger de contracter certains muscles pour produire le massage

Imaginons par exemple que je masse ma main gauche à l'aide de ma main droite : en même temps que je détends ma main droite, je mobilise ma main gauche, et avec elle mon bras, mon épaule etc. Le corps est un système dont toutes les parties sont interdépendantes, je ne peux pas détendre une partie isolément du reste.

On est pas dans de bonnes conditions pour masser

Pour produire un massage agréable, il est préférable de mobiliser la totalité de son corps, dans un mouvement harmonieux. Le mouvement des mains est le résultat d'un mouvement entier, partant des jambes bien ancrées dans le sol. La pression des mains est liée à la gravité, associée au mouvement de corps du masseur. Mais dans la plupart des manœuvres d'auto-massage, on est contraint de contracter les mains pour produire la pression.

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Cela nécessite une gymnastique mentale

On est trop concentré à donner pour bien recevoir

Il est difficile voire impossible de partitionner l'esprit afin d'être présent à ce que l'on donne en même temps qu'à ce que l'on reçoit. Spontanément dans l'auto-massage, on a tendance à se concentrer sur le mouvement que l'on produit, et peu sur le bien-être qu'on en retire.

Difficile de lâcher-prise

La détente a une part mécanique certes, mais aussi une grande part psychologique. Le corps se détend lorsque l'esprit s'apaise. La gymnastique mentale que représente l'auto-massage ne rends pas ce lâcher-prise facile ...

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Le bien-être que l'on tire d'un massage est lié à sa dimension relationnelle

Le bien-être est lié à la nature du toucher

Dans le massage, une grande part du bien-être ressenti est lié à la qualité du toucher qui s'installe. A partir du moment où le contact physique est établi, le corps reconnait l'intention de ce qui le touche, si l'intention est interprétée comme bienveillante, on se sent en sécurité, et on se détend. Plus poétiquement, j'aime voir l'art du massage comme un art de la communication par le toucher. Le massage est un échange, une communication non-verbale harmonieuse.

Le mouvement inattendu

Recevoir le massage d'une autre personne, c'est justement goûter à un mouvement que l'on a pas initié soi-même. L'inattendu dans le mouvement permet à l'esprit de lâcher prise, de sortir du contrôle.

Être le centre de l'attention de l'autre

Le massage est enfin un acte symbolique fort, où l'on décide délibérément qu'une personne donne le massage, et qu'une personne le reçoit. La personne qui donne le massage consacre toute son attention à la personne qui reçoit. Être le centre d'attention de l'autre; se sentir écouté·e, respecté·e, accueilli·e, cela contribue largement au bien-être. ------- J'en ai mentionné 7, mais Il y a surement plein d'autres raisons ! En voyez-vous d'autres ? Pour conclure, je tiens quand même à préciser : l'auto-massage, c'est peut-être moins relaxant, mais c'est quand même très agréable !

Tendre & détendre

La pratique du Taiji quan s'appuie (entre autres) sur les principes de Yin & Yang, et en décline de nombreux enseignements pour apprendre se mouvoir de manière plus harmonieuse. L'un de ces enseignements est le suivant : pour effectuer un mouvement, le corps a besoin de l'amorcer par son mouvement opposé.

Par exemple :

- si je veux sauter très haut, je commence par ... me baisser

- si je veux sauter très loin, je commencer par ... reculer pour prendre de l'élan

- si je veux souffler mes bougies d'anniversaire, je commence par ... prendre une grande inspiration

- si je veux enfoncer un clou, je commence par ... lever mon marteau

C'est très simple et, dit comme ça, ça parait évident ... Pourtant il existe dans nos gestes de vie quotidienne beaucoup de mouvements que nous aurions intérêt à réapprendre, pour retrouver ce principe mécanique naturel.

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Plus encore, ce principe peut nous aider à mieux appréhender de nouveaux mouvements, notamment le mouvement "se détendre" :

Aujourd'hui je suis tendu, mes épaules sont crispées et hautes. On me dit "Détends-toi", "Relâche la pression", "Abaisse tes épaules"... La mince affaire ! J'aimerai bien, mais je ne sais pas faire ce mouvement ! Malheureusement il ne fait pas partie de mon vocabulaire corporel...

Je peux m'appuyer sur le mouvement antagoniste, "tendre les épaules" (celui-là, je le connais bien), pour découvrir le mouvement "détendre les épaules".

Lorsque je tends mes épaules (elles remontent encore plus), et que j'arrête de tendre, j'observe que mes épaules se détendent naturellement (elles redescendent, souvent légèrement plus bas qu'avant la tension initiale). Grâce au mouvement de tension, je découvre le mouvement de détente, et, petit à petit, je l'apprends.

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Dans le massage, et notamment de la relaxation coréenne, ce principe est largement employé :

- alléger pour ensuite laisser reposer lourdement au sol; ou inversement ancrer pour ensuite suspendre

- visiter les résistances pour ensuite aller vers le lâcher-prise; ou inversement amener au lâcher-prise pour désarmer les résistances

- mobiliser les articulations dans toutes les directions, chaque mobilisation facilitant la mobilisation opposée

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Petite précaution, pour celles et ceux qui voudraient expérimenter ce petit exercice de détente des épaules : on a parfois tendance à confondre détendre et descendre. La détente des épaules à pour conséquence de les faire descendre. Mais ne cherchez pas à descendre les épaules, car alors le mouvement serait un écrasement. Le mouvement de détente reste léger. L'esprit peut être observateur du mouvement mais reste détaché. La concentration ne vient pas peser sur les épaules, mais vient simplement goûter la sensation de bien-être qui se dégage du mouvement.